" C'est du...vénitien! Elle cherche son père en vénitien! "
Nur-Banu régurgite une agonie laborieuse. De larges tavelures sombres sourdent sur sa peau en un chapelet irrégulier.
...Pére? Vous êtes donc revenu me chercher? Le passage est-il toujours si douloureux? J'ai si mal, si vous saviez...!
Une aube nouvelle se lève. La dernière.
Profitant des lâchetés d'une lourde tenture, une lumière blafarde poussière sur le plancher de la chambre languissante.
...L'océan myosotis frissonnait insaisissable...une batelée de vaisseaux gifle brutalement l'horizon serein d'un croissant belliqueux...l'acrité de la peur, l'abordage vociféré, les fumées de sang...
Laissez-moi!... Mon pére!... Je veux revoir mon père!
Laissez-moi!... Mon pére!... Je veux revoir mon père!
La main droite devant son visage dessine d'hésitantes arabesques et disperse ses paroles muettes dans la pénombre empuantie qui consume sa dernière couche.
...les coupoles damassées d'azur, le sérail effluvé, la volupté des caresses purifiantes d'une esclave circassienne, les danses poivrées de cannelle, les giroflées de poésies musicales et le sacre: la douleur de mon sexe brûlé sous les premières véhémences du Sultan...
Elle se redresse alors si violemment que ses entrailles se brisent et aspirent le lin moite et malade des draps.
...le pouvoir à coup de seins, de galbes lancinants, le pouvoir à force d'avilissantes rancoeurs, de trahison, de poisons subtils.
Maintenant il me faut partir en paix...mon fils est le maître absolu.
Mais Père, comme je suis seule...comme je souffre!
Maintenant il me faut partir en paix...mon fils est le maître absolu.
Mais Père, comme je suis seule...comme je souffre!
Deux odalisques d'ébène reposent doucement l'angoisse d'une petite vénitienne de treize ans sur le chevêt en deuil. Un regard rouillé vers le jour nouveau.
... Pére? Vous êtes revenu me chercher? J'ai si mal, si vous saviez...!
Constantinople 1583
Pleure ta Mère, ô Constantinople, Nur-Banu la princesse de lumière s'est éteinte.
Pleure ta Mère, ô Constantinople, Nur-Banu la princesse de lumière s'est éteinte.
Enlevée par les ottomans à l'age de treize ans Cécilia Baffo sacrée Sultane Valide, femme de Selim II et mère de Murad III , aïeule du philosophe-pornographe Giorgio Baffo meurt empoisonnée.
Articles
Je suis justement plongé dans les oeuvres érotiques du Baffo dans lesquelles il fait référence à son aïeule. Je découvre avec délice la Venise libérée et libertine du début du XVIII siècle.
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