vendredi 23 décembre 2011

Tennessee Waltz

Dans le jardin d’une petite maison rose de Lausanne, quand les vents nostalgient la ramure d’un grand cèdre, valsent alors un père et sa fille.

Marie-Jo se tire une balle en plein coeur, le 16 mai 1978. Elle a 25 ans.

Dix jours plus tard, Simenon sème les cendres de sa fille sous le grand cèdre de son jardin.

Dans la nuit du 7 septembre 1989, Teresa Sburelin, la compagne vénitienne, disperse les restes de l’écrivain sous le grand cèdre de la petite maison rose de Lausanne.

"Quant à toi, Marie-jo chérie, tu fais une découverte importante dont tu te souviendras toujours. Chaque après-midi, sur la terrasse du Lido, six ou sept musiciens forment un petit orchestre aux sons duquel les couples dansent sur la piste.

Tu as choisi ton coin, près des musiciens, avec qui tu deviens vite amie et comme complice. Tu as un peu plus de sept ans mais, depuis longtemps déjà tu possèdes dans ta chambre … ton phono et tes disques. Tu les connais bien, car tu les joues beaucoup, et tu as tes préférés. L’un d’eux est Tennessee Waltz, une valse nostalgique du Sud, aux Etats –Unis, que tu as entendue tout enfant et au rythme de laquelle tu te balances.

Tu veux me faire danser, Dad ?

Et voilà que nous valsons tous les deux sur l’air de Tennesssee Waltz, que tu as demandé à tes amis de l’orchestre de jouer… ta jolie robe de coton rayé de blanc et de bleu qui flotte autour de toi.

Tous les soirs, désormais nous avons un rendez-vous presque secret, à la première table près des musiciens qui, dès qu’ils t’aperçoivent, se mettent à jouer ton morceau favori.

Ce sera, ma petite fille, un des meilleurs souvenirs, nos danses dans le soleil tamisé par une tente couleur ocre qui te colore les joues."

Mémoires intimes, Georges Simenon






Georges Simenon et Teresa Sburelin

mardi 13 décembre 2011







STABAT MATER

Debout, la mère ivre de douleur
Se tenait en larmes, au pied de la croix
Son fils succombant.
Je désire au pied de la croix
Me tenir, debout avec toi,
M'enchaînant à ta désolation.



Mon lapin!
Torse nu, Foulques Nerra...
Mon lapin! Comme tout ceci est étrange!
La bouche petite, la peau douce et claire...
Jamais je n'aurais pensé revoir ce travail!

Une religieuse...
Nemo me impune lacessit...
Le soleil tamisé qui colore tes joues...
Resserre les flancs...plusieurs voyages...
S'il apprenait l'infidélité...il en deviendrait fou...
Condamnés à mort!
But I see more...
Et toutes ces femmes...des morues accomplies...
Deux demi lunes...accouplées...
Tiens, voilà trois baisers...
Ton corps nu sous la soie m'a brûlé plus que jamais...
Dans la chambre à coucher...mort sur le lit...
Décapité sur ordre du pape...
Allez Coco! Sur mon épaule!

Salomé dormait déjà à poings fermés.

Sandre au beurre blanc, carpaccio de boeuf, risotto au barolo,
coda di rospo alla griglia, sgrupina et chinon devraient vous inciter
à rejoindre le prêtre roux et ce malgré Tirésias.

Au revoir, tante Berthe.
Prends bien soin de toi.

Le Rallye 2011-2012 du Campiello a commencé ce dimanche à 22 heures, c'est ici

vendredi 12 août 2011

La clé de la lagune...




Pour quelques heures quelques jours,
je prends la clé de la lagune,
je largue paline et bricole.

A très bientôt ...


Bienvenue Ana




dimanche 31 juillet 2011

Je travaille à un poème contre toutes les guerres...

Nancy Cunard

Deux trois billets pour autant de flâneries entre les tombes de San Michele, l'occasion d'exhumer quelques personnages dont les noms ont été effacés de la pierre de toute mémoire.



A San Michele, les racines tourmentées par le silence ténébreux des trépassés, un arbre s’est couché, troublant le repos d’un des leurs.

Victor Cunard.

Dès l’abord, j’ai su la perle immortalisée en cette cassette au couvercle minéral brisé. Quelques reflets lustrés pour vous tenter, un jour, de vous arrêter devant cette tombe du carré protestant de l’île cinéraire.

Victor Cunard est correspondant du London Times à Venise. C’est lui qui couche la nécrologie de son amie Dolly Wilde, la sulfureuse nièce du non moins sulfureux Oscar. Victor est aussi le cousin « bien aimé » de Nane, l’héritière de l’immense empire maritime Cunard.

Poétesse, Nancy Cunard est éditrice.

La Sérénissime encore. Elle publie les XXX Cantos de Pound.

La Sérénissime toujours. Septembre 1928, dans une chambre de la Riva dei Schiavoni, Aragon se gorge de barbituriques. Suicide d’opérette pour les uns. Sauvé de justesse pour les autres.

Nancy Cunard et Louis Aragon partagent une liaison tourmentée depuis deux ans. A Venise, ils endossent les rôles pathétiques des amants du Danieli. George Sand s’amourache du docteur Pagello, Nancy Cunard lâche son poète pour l’afro-américain Henry Crowder, alors pianiste de l’orchestre de jazz d’Eddie South, sous contrat huit semaines au Luna.

En 1960, la mort emporte brusquement Victor Cunard, tout occupé à libérer sa toujours chère cousine enfermée au sanatorium de Holloway. L’alcool, la drogue et autres errements destructeurs ont inexorablement mutilé la femme aux bracelets.

Si cet arbre a réveillé tes angoisses, Victor, sache ta tendre cousine sortie de l’enfer d’Holloway. Et lorsque ta Nane décide de quitter définitivement le bal tragique des morts-vivant , déguisée en petite chose insignifiante, garrottée aux fers d’un lit de la grande salle commune de l’hôpital Cochin, sois sûr, Victor, que c’est vers la rémission qu’elle s’en est allée.

« Je travaille à un poème contre toutes les guerres… A boire, du vin rouge… » ses dernières paroles.

Au Père-Lachaise, l’urne 9016 renfermerait les cendres de la poétesse à la coiffe des boys de l’Eton College.



Le hasard qui ceci dit n’existe pas à Venise a gravé les lettres CUNARD sur une autre stèle un rien plus loin…clic



Ce billet a émoustillé votre intérêt pour Nancy ? Rendez-vous sur le merveilleux blog d’Edmea…


Nancy Cunard, la femme aux bracelets



« J’avais ma peine et ma valise

Et celle qui m’avait blessé

Etait-elle encore à Venise ?

Moi, j’étais déjà son passé. »


Dolly Wilde





lundi 27 juin 2011

Petit matin 4.10 heure d'été ...

Famille Marus, San Michele


Permettez-moi ce petit capriccio inspiré par les vers de HF Thiéfaine et ses "Suppléments de mensonge"...


Les yeux de Rimbaud et l'éther de Baudelaire étoilés des esperluettes de Shelley...

Sublime!

Les vers tourmentés d'Hubert Félix Thiéfaine et la famille Marus, pensionnaire de San Michele.

Etonnant cliché funéraire, fascinante poésie...


Pour une vision plus aisée, c'est ici ....






HF Thiéfaine

mercredi 8 juin 2011

Concert baroque ...






Depuis peu, mon aventure professionnelle me conduit tous les mercredis à passer, seul, la nuit dans notre maison de campagne. Vencimont, petit village du namurois désaltéré par la Houille .
Un poisson fumé, un chèvre frais émaillé de sel de Guérande et un Minervois dont le producteur m’assure à chaque fois être sa meilleure cuvée forment les compagnons d’un soir.
Il y a deux semaines, j’ai réveillé le brûlot de la terrasse avec de vieilles et sèches bûches de sapin encore travaillées par mon beau-père couché depuis dix ans à quelques deux lieues, dans le petit cimetière perché de Wancennes . C’est ici, à Wancennes, à ses côtés, que mon corps désarticulé poussièrera son ultime voyage.

Le dernier Léonard Cohen couvrant le craquement du bois aux nageoires enflammées, j’ai ouvert le petit livre de Alejo Carpentier : Concert Baroque.
Le surprenant voyage musical que voilà !
Le Florian, San Michele, Sant’Angelo…
Monteverdi, Vivaldi, Scarlatti, Händel, Stravinsky, Evan Parker, Louis Armstrong...
Egrenant les heures sonnées par les Maures de la Tour de l’Horloge, vous accompagnerez en ce début XVIIIème, un richissime mexicain dans les calle vénitiennes. C’est le carnaval . Son déguisement en Montezuma ne laissera pas Vivaldi de marbre.

XVIII ème dites-vous ?

Et comment donc ce casse-croûte sur la tombe de Stravinsky dans un cimetière qui n’existe pas encore ? Et comment ainsi cette réunion dans un caffè Victoria Arduino qui n’existe pas encore ?
Laissez Horace, Dante, la Bible, Aristophane, Lucrèce, Shakespeare, Eschyle vous aider .

« Il est nécessaire parfois de prendre ses distances , de mettre entre les choses et soi un océan, pour les voir de plus près . »

Le livre refermé, vomissaient encore les bûches de sapin travaillées par mon beau-père, couché depuis dix ans à quelques deux lieues, dans le petit cimetière perché de Wancennes…




Alejo Carpentier

lundi 23 mai 2011

La Casa Bianca des Impardonnables de Téchiné...


Le tapis rouge de l’escalier des Géants du palais des festivals de Cannes n’est plus.

Mais reste à l’esprit de tout amoureux de Venise la sortie prochaine des “Impardonnables”, le dernier Téchiné, avec Carole Bouquet et André Dussolier. Clic

La Sérénissime comme somptueux décor, Sant’Erasmo en vedette.

Histoire de vous faire patienter, voici quelques discrets clichés de la Casa Bianca, la demeure visible du vaporetto, louée pour les besoins du film.

Un jour d’avril 2010, le maître des lieux nous a ouvert son asile. La vigne assoiffant la terrasse avant. La lagune abreuvant la terrasse arrière.


Le temps de quelques mots.

Le temps d’un verre d’Orto di Venezia.

C’est par ici …











jeudi 19 mai 2011

Otez ce crucifix, ma belle, et je serai vôtre ...




Vous?

Sonia!?!

Mais quel plaisir de vous revoir!

Vous, mon ange. Vous, sur la couverture du dernier Donna Leon.

Drawing conclusions

Trois couvertures. Les deux premières pour les Etats-Unis. La troisième pour le Royaume-Uni.

Un critique américain de préférer les plantureux mamelons de la chapelle du Doge, au travers d'improbables rui, plus vénitiens, ose-t-il, pour illustrer les intrigues de la native du New-Jersey et de son Brunetti de commissaire.

Le béotien que voilà!

C’est faire rapidement fi de votre cas, Sonia. Ame et corps à la Sérénissime, à tout jamais, pour l’éternité...Clic


Dites Sonia, vous ne m’en voudrez pas si je profite de l’aubaine pour présenter aux lecteurs de ce blog une autre étincelle enflammée de Enrico Butti?

Isabella. Isabella Casati. Mains réconfortées, doigts déridés. Boutons éclos de seins épandus.

Otez ce crucifix, ma belle, et je serai vôtre! Clic

Tombe de la famille Casati-Brioschi, Cimitero Monumentale, Milan, 1890. Oeuvre du sculpteur Enrico Butti



Couverture Etats-Unis


Couverture Royaume-Uni


Isabella Casati

vendredi 13 mai 2011

Harry's Bar



Le Harry's Bar a 80 ans aujourd'hui!



13 mai 1931



Venise.
Un matin froid de février.
Le jeune américain Harry Pickering a traversé l'Atlantique.
Il revient rembourser le barman de l'Hôtel Europa-Britannia, Giuseppe Cipriani.
Harry lui remet bien plus que la somme prêtée.
Il n'a pas oublié le vieux rêve du véronais.


La création d'un bar de haute volée.
Un vétuste magasin de cordages va prêter ses murs au tout rutilant et discret "Harry's Bar"

Il y avait des heures où le Harry's Bar se remplissait de gens qu'on connaissait, avec la même impétueuse régularité que la marée montante au mont Saint-Michel. (Hemingway)































Que s'est-il passé, Constance ?


Le nom de Constance chez Anne-So, le nom de Henry James chez MaïtéPermettez-moi ce petit capriccio …



Si, tard le soir, vous quittez Ai Cugnai ('Pristi, il paraît que les deux soeurs ont remis l'affaire...), quelque soit votre ivresse, dirigez-vous vers la Salute, l’avant-dernier pont, celui de San Gregorio.

Oubliez la bienséance et posez le postérieur sur le garde-fou forgé de fer et d’Istrie, dos à la fondamenta Ca’Bala argentée de Pound.

Deux hommes viendront s’asseoir.

Un homme et une photo: “De longues mèches d’ébène vrillées sur l’ivoire d’une cotonnade ouvragée, le menton et le regard volontaire. Je l’ai connue très jeune, très belle.”

Un homme et le regard perdu vers la coupole de Longhena: “Maurizio et moi, un peu ivres, mesurions la calle. Une enveloppe blanche au deuxième. Un bruit sourd. Nous nous retournons: l’enveloppe blanche au sol, sans un cri. Je l’ai remontée sur sa couche. Cage d’escalier sans fin. Perle rouge au coin des lèvres, dentelle rubis à l’oreille. Ses yeux tristes et solitaires se sont accrochés aux miens. Ils se sont tus au premier cri de l’aurore.”

Que s’est-il passé, Constance?


Un malaise? Comme ils aiment à dire?

Ou pire ?


Le pire ? Une histoire d’argent?

Je n’en crois rien!


Le pire ? Horace Chase, ton dernier enfant?

Toi et tes accouchements tourmentés!


Le pire? Henry, ton seul amour?

Ne me dis pas… Je ne veux pas…


On aurait vu Henry James et ton gondolier, une soirée triste et revêche, tenter d’oublier tes effets dans les eaux noires de Venise.

Comme autant d’Ophélie, une à une , tes sombres toilettes, de lagune gonflées, sont revenues à la surface pour emprisonner sa gondole…



Constance Fenimore Woolson, écrivain, petite-nièce de James Fenimore Cooper, est retrouvée agonisante, deux étages plus bas, à l’arrière de l’appartement qu’elle occupe au palazzo Semitecolo.

Nous sommes le 24 janvier 1894, il est une heure du matin.

Accident?

Suicide?


Que s’est-il passé, Constance?


Palazzo Semitecolo


Calle del Bastion



mercredi 4 mai 2011

La Fête à Venise

Retour de Colombie.
Un seul livre m'a accompagné: La Fête à Venise, Philippe Sollers
(Saviez-vous que son vrai nom est Philippe Joyaux ?)


Une première lecture rapide, dans les faubourgs de Bogota, respectant les heures d’étude et de sieste des enfants. Une seconde plus approfondie, sous la moiteur obscure d’un moustiquaire chevrotant sous la lampe-torche, au plus suffocant milieu de la forêt amazonienne. ‘Pristi ! J’en avais presque oublié les chinoiseries d’une lecture sous les draps.
« La défense de la complexité de pensée contre les simplifications abusives, les stéréotypes et les clichés générateurs d’exclusion et d’intolérance. »
Voilà le message de Sollers : récupérer ses sensations, réinvestir ses propres réflexions.
Illustration par la peinture : « La Fête à Venise » Watteau .
L’action se résume en neuf voire onze pages et son quart. Froissart-Sollers est à Venise pour s’occuper du bon déroulement de la livraison d’un tableau clandestin, La fête à Venise de Watteau, tableau magnifique…jamais montré en public, son existence seulement soupçonnée…personne n’en saura rien…oui, un jour peut-être…en 2036.
Dis Sollers, existe-t-elle réellement cette fête qui est de la même époque que les Fêtes vénitiennes ?
Une dizaine de pages, donc.
Le reste ?
Demandez à Luz, cette jeune américaine dont le sexe blond est prétexte à soulager le long monologue que nous débarde ici Sollers et sa pensée en turbulence.
Régulièrement, je me suis assoupi. Pensez un peu. Le tarif du bourreau à la Martinique en 1740, les synonymes du sexe féminin et des verbes pour leur action, les galaxies d’Urbain Le Verrier, et les autres très nombreuses pages que j’ai à présent oubliées. Sans compter celles perdues pour enfin accéder à cette Toilette intime !
Mais régulièrement aussi, un mot, une rencontre soudaine m’ont charmé : les Zaterre, Warhol, le vapo 52, Cavaillès, la Giudecca, Montesquiou, les murs roses de San Michele, Stendhal, les perroquets de Lousse et Flaubert. Watteau, bien sûr. Et finalement le merveilleux hommage de Luigi Grotto Cieco d’Hadria pour Luigi Mocenigo…Savez vous également que Mozart m’a initié à la phrénologie, Holbein le Jeune à l’anamorphisme ? De plus, je vous l’avoue ! Je me suis même épris d’une gitane à la poitrine sulfureuse.
Qui qu’elle soit.
Pepita Tudo ou la treizième duchesse d’Albe .

Merci, Sollers

Vous dites !?!
La mygale, compagne de deux nuits, m’aurait-elle envoutée ?

Que les derniers mots de cette fête vénitienne soient vôtres : « Clin d’œil au sarcophage du jardin… »




Fêtes vénitiennes, Watteau



Toilette intime, Watteau




Jean Cavaillès





La maja nue, Goya




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