lundi 17 juin 2013

Nous étions faits l'un pour l'autre...

Deux trois billets pour autant de flâneries entre les tombes de San Michele, l'occasion d'exhumer quelques personnages dont les noms ont été effacés de la pierre de toute mémoire.



Près de leur lieu d’origine, mais visiblement dérangées, quelques pierres tombales ont été adossées ou enchatonnées sur la brique sanguine de l’enceinte de Fornicelli. En face d’un peintre belge, à côté d’un ange aux lauriers couronnant un Carlo bien trop empesé, non loin d’un temple grec et de la colonne brisée de Giovanna, la stèle de Ermance-Catherine et Bartholomée. Les époux Stürmer décédés à dix jours d’intervalle. Parfum léger d’Istanboul. Emanation plus lourde de l’île de Saint Hélène.

Juin 1815. Les plaines de Waterloo forcent Napoléon à abdiquer. L’empereur déchu confie son destin à l’Angleterre. Le Northumberland le déporte sur l’île de Sainte Hélène. La convention du 2 août demande aux cours impériales de Russie et d’Autriche, à la cour royale de Prusse et à la France de mander des commissaires chargés de s’assurer de la présence du désormais Général Bonaparte. La Prusse décline l’offre.

Metternich propose Stürmer pour représenter l’Autriche.*
Le couple Stürmer débarque à Sainte Hélène le 17 juin 1816 et quitte l’île le 11 juillet 1818. Le commissaire autrichien ainsi que ses collègues russe et français ne rencontreront jamais Napoléon. Leur présence gène les Anglais. On les considère comme des espions. De son côté, Napoléon proteste contre la convention du 2 août et renonce à les rencontrer. “... Il irait même à tirer un coup de pistolet à qui franchirait la porte…

La mission des commissaires est un échec. Ils ne peuvent que transmettre les bulletins de santé de l’illustre prisonnier: “Bonaparte mange beaucoup, engraisse à vue d’oeil et ne fait pas d’exercice…On ne l’aperçoit que trop rarement, se promenant à pied devant sa maison…Nous savons si peu sur ce qui se passe à Longwood, que je n’ai même pas la satisfaction de mander à Votre Altesse une seule anecdote… Cette mission est ingrate et pénible… tous les dégoûts que j’y éprouve… Le rôle qu’on nous fait jouer devient humiliant.

Heureusement la présence de son épouse française Ermance-Catherine “... embellit mon existence. Sans une pareille compagne, la mélancolie m’aurait déjà accablé de tout son poids et je n’aurais pu arriver au terme prescrit pour mon séjour ici sans succomber.

Au soir du 11 juillet 1818, au plus grand plaisir des autorités anglaises, le couple Stürmer quitte Sainte Hélène salué par les treize coups de canon des batteries de l’île et autant de celles du Northumberland, le même navire qui amena Napoléon.

Les années passent et après une existence dévouée à la cour d’Autriche, les Stürmer portent leurs pas à Venise. Bartholomée achète en 1852 à Valentino Cornello le palazzo Coccina Tiepolo où il demeure jusqu’à sa mort, le 8 juillet 1863. Bartholomée s’éteint dix jours à peine après la disparition de son aimable et spirituelle** épouse. Leur demeure devient alors le palazzo Coccina Tiepolo Papadopoli.

Nous étions faits l’un pour l’autre, et jamais union ne fut plus heureuse…

Pour en savoir plus, voici rassemblés les rapports officiels du Commissaire du Gouvernement autrichien, le Baron Stürmer: Napoléon à Sainte Hélène.

**Duc de Raguse




le Conte Bartholomée de Stürmer 







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