dimanche 31 juillet 2011

Je travaille à un poème contre toutes les guerres...

Nancy Cunard

Deux trois billets pour autant de flâneries entre les tombes de San Michele, l'occasion d'exhumer quelques personnages dont les noms ont été effacés de la pierre de toute mémoire.



A San Michele, les racines tourmentées par le silence ténébreux des trépassés, un arbre s’est couché, troublant le repos d’un des leurs.

Victor Cunard.

Dès l’abord, j’ai su la perle immortalisée en cette cassette au couvercle minéral brisé. Quelques reflets lustrés pour vous tenter, un jour, de vous arrêter devant cette tombe du carré protestant de l’île cinéraire.

Victor Cunard est correspondant du London Times à Venise. C’est lui qui couche la nécrologie de son amie Dolly Wilde, la sulfureuse nièce du non moins sulfureux Oscar. Victor est aussi le cousin « bien aimé » de Nane, l’héritière de l’immense empire maritime Cunard.

Poétesse, Nancy Cunard est éditrice.

La Sérénissime encore. Elle publie les XXX Cantos de Pound.

La Sérénissime toujours. Septembre 1928, dans une chambre de la Riva dei Schiavoni, Aragon se gorge de barbituriques. Suicide d’opérette pour les uns. Sauvé de justesse pour les autres.

Nancy Cunard et Louis Aragon partagent une liaison tourmentée depuis deux ans. A Venise, ils endossent les rôles pathétiques des amants du Danieli. George Sand s’amourache du docteur Pagello, Nancy Cunard lâche son poète pour l’afro-américain Henry Crowder, alors pianiste de l’orchestre de jazz d’Eddie South, sous contrat huit semaines au Luna.

En 1960, la mort emporte brusquement Victor Cunard, tout occupé à libérer sa toujours chère cousine enfermée au sanatorium de Holloway. L’alcool, la drogue et autres errements destructeurs ont inexorablement mutilé la femme aux bracelets.

Si cet arbre a réveillé tes angoisses, Victor, sache ta tendre cousine sortie de l’enfer d’Holloway. Et lorsque ta Nane décide de quitter définitivement le bal tragique des morts-vivant , déguisée en petite chose insignifiante, garrottée aux fers d’un lit de la grande salle commune de l’hôpital Cochin, sois sûr, Victor, que c’est vers la rémission qu’elle s’en est allée.

« Je travaille à un poème contre toutes les guerres… A boire, du vin rouge… » ses dernières paroles.

Au Père-Lachaise, l’urne 9016 renfermerait les cendres de la poétesse à la coiffe des boys de l’Eton College.



Le hasard qui ceci dit n’existe pas à Venise a gravé les lettres CUNARD sur une autre stèle un rien plus loin…clic



Ce billet a émoustillé votre intérêt pour Nancy ? Rendez-vous sur le merveilleux blog d’Edmea…


Nancy Cunard, la femme aux bracelets



« J’avais ma peine et ma valise

Et celle qui m’avait blessé

Etait-elle encore à Venise ?

Moi, j’étais déjà son passé. »


Dolly Wilde





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