mardi 22 mars 2011

Le fleurage de son soutien-gorge ... (réponses)


Le train de Venise de Simenon, Albertine disparue de Proust et La mort à Venise de Mann sont les trois romans que j'ai traversés l'espace d'un instant, l'instant d'asseoir ma belle-mère dans le train qui la ramène à Bruxelles.

Le train de Venise: Justin, l'homme au costume jaune crème n'a pas encore fait la funeste connaissance de son voisin de compartiment.

Albertine disparue: Marcel Proust décide de ne pas suivre sa mère qui s'en retourne et de rester seul à Venise. Dans le registre de l'hôtel, la proche arrivée de la baronne Putbus et suite l'agite. Quand soudain, il prend ses jambes à son cou et rejoint la pauvre dame à la dernière seconde.

La mort à Venise: Aschenbach est sur le point de quitter une Venise que le choléra a plongée sous l'odeur obsédante et safranée de l'iodoforme. Mais sa malle est égarée. Ce prétexte inopiné le ramène avec une incroyable gaieté vers Venise. Une joie extravagante le raccompagne vers la mort.

Bravo à Cothraige qui a découvert les trois titres, ce qui ne m'étonne guère en suivant son blog ...
Et merci à tous les participants avoués ou restés dans l'ombre.










dimanche 13 mars 2011

Le fleurage de son soutien-gorge ... (Suite et fin)



Deux romans se cachent dans cette suite et fin.
Lesquels?
A dimanche prochain...


Les mouchoirs d’adieux demeuraient suspendus aux lèvres du sifflet, les au revoir flottaient au gré du drapeau rouge. Soudain, en une course lente et désarticulée, un lourd paletot anthracite piqué de gris déboucha tout en bout de quai. Le coureur au visage barré d’une épaisse et sombre moustache tendit au chef de gare son billet. Le drapeau rouge l’envoya séance tenante dans notre direction. Le chapeau boule fermement maintenu sur le haut du crâne, il reprit sa galopade disloquée jusqu’à notre hauteur. Il fit sauter tant bien que mal la clanche de la portière et s’écroula en nage sur la banquette aux côtés de la dame inquiète. Celle-ci se retint pour ne pas pleurer:
- Ta pauvre grand-mère le disait! C’est curieux, il n’y a personne qui puisse être plus insupportable ou plus gentil que ce petit-là!
- Ce Sole Mio qui n’en finissait pas
, toussotta-t-il en guise d’excuse.

Nouveau coup de sifflet. En matador sentencieux, le chef de gare fit virevolter théâtralement son improbable muleta. Le train hoqueta à plusieurs reprises avant de réguler sagement son allure.
Je saluai la femme à la chemise aux insidieuses rayures et retournai vers le hall d’entrée. Le fleurage de son soutien-gorge me plongeait dans une inavouable rêverie.
- Pour Côme !?!
Le brutal éclat de voix disloqua mes fantasmes.
- Mes valises en partance pour Côme!?!
Dans le tumulte de la vaste salle, l’employé de service osait péniblement quelque explication embarrassée.
- Je suis sincèrement navré, Sior. Votre malle a été confondue avec d’autres colis. Elle a été envoyée dans une fausse direction.
- Côme! s’irritait toujours le petit Sior tandis que l’employé se précipitait en vain pour retenir la malle. Il affirma qu’il ne partirait pas sans ses affaires et qu’il retournerait à son hôtel les y attendre .
Quand je quittai la gare, le préposé au guichet lui reprenait son billet alors que l’employé de service, revenu bredouille, jurait que rien ne serait négligé pour ramener le bagage dans les plus brefs délais et cela coûte que coûte.

Sur la rive opposée, San Simeone Piccolo pansait ses plaies sous une immense toile publicitaire ventant d’audacieux soutien-gorge aux fleurages transparents.







vendredi 11 mars 2011

Le fleurage de son soutien-gorge ...

M’absentant une belle semaine., là où les connections au Net sont malaisées, je vous soumets un petit jeu. La dernière fois que j’ai accompagné ma belle-mère à Santa Lucia, je suis “entré” dans trois romans. En deux billets, je vous propose de les identifier. Voici le premier: un roman s’y cache ainsi que l’amorce du second. La suite, dans une semaine.

Bon amusement…

La propreté du wagon était loin d’être sans reproche. Il venait de Trieste. Une teinte différente des autres, une touche étrangère, une odeur singulière. Après avoir placé la valise et l’encombrante sacoche sous la banquette, j’embrassai ma belle-mère.

- On se revoit à Bruxelles, après demain, Mamie. Et ne vous tracassez pas à Paris. Pierre sera présent pour le changement de gare.

Il restait deux ou trois minutes avant le départ. Je la laissai avec ce petit sourire absurde qu’elle arbore depuis quelques temps. Nous ne voulions pas l’accepter, mais Mamie vieillissait. Dans le compartiment voisin, une dame seule regardait droit devant elle. Elle me semblait déconcertée. L’anxiétude palpable qui par accoups tortillait ses sourcils me la rendait presque sympathique. Plus rien n’inquiétait ma belle-mère, comme si la vie s’en allait lentement. Cette sournoise béatitude nous était chaque jour de plus en plus délicate à affronter. Je croisai dans le couloir un homme qui portait un costume jaune crème. Mise que je pensai difficile à porter si vous n’êtes italien. Debout devant la vitre baissée, il écoutait patiemment les recommandations de son épouse sur le quai entourée de ses deux enfants. En un seul bond, je me trouvai à leurs côtés pour accompagner des yeux Mamie aux premiers soubresauts du train .

- Surtout soigne-toi bien et prends tous tes repas chez Etienne, conseilla la femme d’une voix grave et feutrée.

De belle allure, à la silhouette svelte, elle était vêtue d’un chemisier à rayures sur un simple short. Le fleurage de son soutien-gorge était visible. Collée à son bras, la fille, douze ans tout au plus, portait un maillot de bain d’où tréssautaient d’impatients bras et jambes malingres. Le petit frère, surnommé Bip, slip de bain et chemise à carreaux, léchait une gelato comme il se plaisait à le rabâcher. Tous deux étaient coiffés d’un chapeau de gondolier au ruban bleu pour lui, rouge pour elle.

Un grand gaillard en uniforme remonta le convoi pour fermer les portières. Il lança un strident coup de sifflet. Le chef de gare sortit de son bureau, déroula un drapeau rouge et le brandit aussi haut que possible. Le train allait partir. J’agitai la main vers ma belle-mère qui ne me regardait pas. La femme et ses deux enfants soufflèrent des baisers invisibles vers l'homme toujours à la vitre. La dame inquiète croisa mon regard. Je pus lire distinctement sur ses lèvres tordues: il va venir, il faut bien qu’il vienne!

Le train ne partait pas.

- Un retardataire? questionna le costume clair, le buste en dangereux équilibre sur le rebord de la fenêtre du wagon. Son épouse ota ses lunettes de soleil. Des yeux bleus, très doux, un rien mélancoliques.

- Je ne sais pas. Je ne vois courir personne…

Le temps semblait figé.

A suivre…




La chiusura del mercato del pesce di Rialto ...

La pétition semblait s'essouffler.
Un article en ligne du Gazzetino lui a redonné un nouvel élan.
Pour tous les lecteurs du blog de la part des anges, voici le lien vers cette pétition qui se trouve également dans la colonne de droite...





lundi 7 mars 2011

Namouna, la plantureuse Suissesse ...

On the boat Namouna, Venice Julius LeBlanc Stewart (1890)

Port de Venise, été 1890. Le Namouna, splendide yacht du richissime homme d’affaire James Gordon Bennett Jr, jette l’ancre pour y passer l’été. A son bord, une vache. Une splendide vache venant de Suisse.

Giudecca, été 1890. Frederic Eden, propriétaire depuis six ans d’un immense jardin sur la grande île qui souligne les Zaterre, se plaint régulièrement du lait frelaté qui encombre les étals de la Sérénissime: l’eau et la farine n’ont pas leur place dans un pot à lait!

La vache du Namouna est à vendre. Eden l’achète. Il la rebaptise … Namouna.

Les mamelles de la plantureuse Suissesse s’étiolent bien vite sans la compagnie de ses anciens loups de mer. Rien n’y fait, pas même les appétissants choux et les rames de pois qui relèvent son fourrage..

Quatorze vaches, des italiennes et autrichiennes, traversent bientôt les eaux de la lagune pour rejoindre Namouna. Les unes donnent beaucoup de lait, les autres beaucoup de crème.

Les quinze pensionnaires de Frederic et Caroline Eden ne furent pas les seules à meugler à Venise. Toujours à la Giudecca, derrière le Mulino Stucky, de nombreuses étables hébergèrent près de cent cinquante laitières avant que la guerre et les frères Michele et Salvatore Scalera ne les transforment en studio de cinéma. Mais c’est une autre histoire …

Un jardin à Venise, Frederic Eden





Julius LeBlanc Stewart

James Gordon Bennett Jr



mardi 1 mars 2011

Gondoles pour le cimetière ...

En écho à un message de Danielle...

Comme bon nombre de ses collègues écrivains, Endrèbe, considéré comme le Simenon français n’a pu s’empêcher d’envoyer son héroïne arpenter les calle vénitiennes.

A l’instar des Miss Marple et Silver ou des sœurs Bodin, Mme Elvire Prentice, vieille dame indigne et sans merci, excelle dans la résolution des affaires les plus sibyllines.

Coiffée d’un chapeau où des roses thé étaient miraculeusement écloses dans des replis de satin vert, allons retrouver Mme Prentice assise à la terrasse du Florian qui , au son de la Cavalleria Rusticana et des notes de Mascagni sirote un Cinzano avec son ami le journaliste Patrice Géron.

Elle ignore encore que Marie-Line Romieux, une jeune française intrigante agressivement blond platine, vêtue d’une robe imprimée qui moulait toutes ses rondeurs de façon indiscrète, va venir perturber ses retrouvailles avec la Sérénissime, après plus de quarante longues années de séparation. Au cours d’une après-midi 'dédicace' qui voit se réunir dans la prestigieuse cour du Palais des Doges Anna Magnani, Carlo Levi, Mario Soldati, Zsa-Zsa Gabor, Pierre Boileau, Malaparte, Vittorio De Sica, Gina Lollobrigida et j'en passe... (excusez du peu), le corps de mademoiselle Romieux est retrouvé démantibulé au pied de la Scala d’Oro.

Chute accidentelle ? Ses hauts talons tellement invraisemblables, tellement instables. Ou …meurtre ?

Je vous tais la suite.

Mais dites, entre nous ... quel privilège que d’aborder l’au-delà avec les stucs du magistral Sansovino comme ultime vision !

Un bon polar, en vérité, teinté d’humour et d’ironie.

Pour tout vous dire, ce qui m’a avant tout jeté dans cette aventure, ce sont bien les dernières lignes qui excusent l’auteur d’avoir modifié la disposition de certains lieux:

« S’il est permis de prendre des libertés avec l’Histoire pour lui faire un enfant, n’est-on pas plus excusable encore d’agir de même avec la Topographie ? »

Au travail ! ;)

Maurice-Bernard Endrèbe est né le 29 septembre 1918 à Limoges. Il remet définitivement la plume à Paris le 13 juillet 2005. Spécialiste du roman policier, il fonde en 1948 le Grand Prix de la littérature policière. Egalement traducteur et chroniqueur, il revêt plusieurs paletos: Maurice Endrèbe, Bernard Bernède, Guy Hollander, Roger Martens et Louise Lalane.

Bonne lecture ...






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