mercredi 30 décembre 2009

Télégramme de "là-haut" (2) ...

Voilà une météo que Baudelaire n'aurait pas reniée ! -stop

Mardi 29
"Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle..."
Le "coude de mon violoncelliste" n'est plus...
Mort au Filder's Elbow, vive le Irish Pub di venezia ! -stop

Mercredi 30
"Quand la terre est changée en un cachot humide..."
Réveillé pour la première fois par la nouvelle sonorité de l'alarme de l' aqua alta ! -stop

Jeudi 31
"Quand la pluie étalant ses immenses trainées..."
Je sais déjà que je passerai l'an neuf ... bottes aux pieds !
Une première !
Noires pour Salomé et mon fils.
Mauves pétant pour sa compagne.
Vertes pomme en ce qui me concerne... -stop

Voilà des couleurs que Rimbaud n'aurait pas reniées ! -stop

A presto ;)-stop







lundi 28 décembre 2009

Télégramme de "là-haut" (1)...

Hier dimanche, grand soleil à notre arrivée -stop
Trafic sur le tarmac, ronde supplémentaire au-dessus de la Sérénissime -stop
Vu la Villa Pisani et son plan d'eau comme jamais -stop
Les formes et couleurs des usines de la périphérie sont surprenantes...c'est presque beau -stop
Alilaguna via Murano et la chiesa Santa Maria degli Angeli: pensées à Casa et ses M.M et C.C. -stop
Suite logique à cette commémoration épicées, soirée furieuse au Paradiso Perduto -stop

Ce lundi matin, ciboulots en perdition -stop
La moitié des troupes seulement pour une longue visite sur les terres fangeuses de San Michele -stop
Ce soir, vraisemblablement encore une troupe appauvrie pour le souper vers les rii de San Barnaba -stop
Durs durs, ces lendemains de festivités alliés aux retrouvailles avec la Dominante ! -stop
On n'a plus ...vingt ans ! -stop


A presto ;) -stop






dimanche 27 décembre 2009

Allez savoir pourquoi...



Je pensais mon séjour vénitien de novembre être le dernier de l'année 2009.
C'était sans compter sur mon fils.

Eh bien non, le fait d'avoir dû accompagner ses parents de nombreuses fois dans sa prime jeunesse ne l'a pas fâché avec Venise !
Il y a quelques semaines, il nous a demandé une petite huitaine dans les calli vénitiennes.

Nos baluchons sont prêts.
L'avion décolle début d'après-midi.

Les premiers souvenirs qui lui remontent à l'esprit au seul nom de Venise ?
Les fenêtres de Serlio... allez savoir pourquoi !
Le chat Nini aux Frari... allez savoir pourquoi !
Le fantôme de Giordano Bruno au Mocenigo... allez savoir pourquoi !


Bonne semaine sylvestre à tous.
Je tenterai de vous envoyer quelques télégrammes de là-haut ...

vendredi 25 décembre 2009

Conte vénitien de Noël



Il était une fois à Venise l'enfant Jésus, Marie et Joseph.
La petite crèche et sa boule sur la photo ne mesure pas plus de dix centimètres.
Elle se trouvait dans un grand étalage de Noël d'une boutique sépia du Canareggio.
Ne me demandez pas où précisément, il ne m'en rappelle plus.
Ma mémoire a préféré faire le vide, vous comprendrez aisément pourquoi à la fin de ce modeste récit.
Salomé aime ces petites bulles qui s'enneigent sur commande.
Elle pénètre dans la boutique et désigne à la patronne l'objet qui loge au milieu de dizaine et dizaine de bibelots en cristal de Murano de toutes dimensions: verres, coupes, coupelles, vases, cruches ainsi que trois énormes crèches enfermées dans un délicat et invisible phylactère de cristal.
La dame peine à s'emparer de notre minuscule sphère.
Elle appelle son mari.
En se redressant, elle heurte un petit téléviseur plat suspendu au dessus de l'étalage: c'est le désastre !
De l'étalage de Noël, il ne reste rien que débris de verre et poussière de cristal.
Le mari qui tient absolument à honorer notre achat se hisse péniblement sur un haut tabouret et met enfin la main sur notre crèche.
En la tendant à sa femme en pleurs, il perd l'équilibre.
Le malheureux commerçant ne doit son salut qu'à la solide cordelette du store, vénitien bien sûr, qui vient brutalement s'abattre sur le seul vase resté intact.

« Cela vous fera ... nonante cents d'euro, Signora » couine la patronne.

Aujourd'hui 25 décembre, pour légitimer le prix réel de cette catastrophe, seule cette petite crèche a le droit de pontifier à côté de notre sapin.
Vous ne pourrez pas le voir sur la photo, une légère taillade balafre le pied de notre boule à neige.

"Dis, Salomé, toi qui parles un italien fluide, tu aurais peut-être pu obtenir une modique ristourne, non ?"


jeudi 24 décembre 2009

Sérénissimes fêtes de Noël !




Sérénissimes fêtes de Noël à toutes et tous !

mardi 22 décembre 2009

Mon carnet à spirales...

Le tour du monde de Corto, prétexte à 89 recettes dans lesquelles thon, rascasse, gambas, capitaine, loup, espadon, haddock, caribou, poulet, agneau sont suavement émoustillés de ciboule, d'amande, de cumin, de poudre de cari, de gingembre, de coriandre.

Citron vert et cannelle...

La part belle aux poissons, pardi!

Carnet à spirales (pratique en cuisine) saupoudré des croquis et aquarelles de Pratt,
truffé d'anecdotes.
En bout de calepin, une belle cave à vin et une carte de cocktails où l'on apprend que le Martini dry est une invention du barman du Knickbocker Hôtel de NY pour John Rockfeller.

Les recettes n'ont pas l'air trop complexes, nombre d'entre elles assez rapides et les ingrédients suffisamment familiers.

Bon, faut avouer... les recettes "Vipères et autres boas" ainsi que " Pieds de dromadaires en vinaigrette"...


Je n'irai pas tarabuster l'épicier du coin!
On a sa fierté, tout de même...

Bon appétit!


Noël approche, Sylvestre n'est pas loin:
Voici le menu 'noël 2009', Belle-mamie:

Soupe de Yasuyoshi Nose,
féroces d'avocats,
gratin de haddock,
yassa aux poissons, poulet à la circassienne,
empanas de Bueno Aires,
et pour terminer queue de taureau à la mode de Cordoue......












Sérurier, vous le délivrerez !


« Sérurier, vous le délivrerez »
Domenico Pizzamano n'en revient pas encore en lisant la petite phrase écrite de la main même de Bonaparte, général en chef des armées françaises en Italie. Quatre mots qui le libèrent après cent-septante-six jours d'incarcération sans l'ombre d'un procès.

A l'approche de la passe du Lido, les eaux de la lagune se montrent récalcitrantes. Mais il n'en démord pas. Pizzamano insiste auprès du gondolier pour passer devant le Fort de Sant'Andrea. Les choses ont bien changé en six mois. Les gonfalons de Saint Marc ont disparu. La couleur des uniformes est autre. Bientôt les soldats de Bonaparte qui s'affairent sur la plate-forme de l'édifice fortifié où un lion de marbre semble tendre misérablement l'échine seront remplacés par les troupes de l'Empereur d'Autriche. Il y a neuf jours à peine, dans la propriété du dernier doge, le château de Passariano près de Campoformio en Vénitie, Bonaparte livrait la Sérénissime au comte Louis de Cobentzel.
C'est ce que lui a raconté ce matin l'évêque de Trévise, un proche parent, venu le sortir des geôles de Murano, sur ordre de Sérurier, gouverneur français au nom ô combien approprié en ce jeudi 26 octobre 1797. La prison et les galères comme ultime bagage.

Et pourtant Pizzamano, un des rares patriciens à s'être porté volontaire dés juin 1796 pour la sauvegarde de la ville, nommé commandant du fort de Sant 'Andrea par le député Nani, lui Pizzamano s'était vu saluer par l'ensemble du Sénat comme un héros deux jours après les événements du 20 avril.

C'était également un jeudi.
Treize bâtiments armés, orphelins de pavillons avaient été signalés croiser dans les eaux du golfe. Pizzamano était aux aguets. Vers les seize heures, suivi de près par deux navires, le bâtiment français le «Libérateur de l'Italie» commandé par le jeune et intéressant lieutenant de vaisseau Jean-Baptiste Laugier se dirige vers le port à pleine voile.
Par ordre du Sénat, l'entrée du port de Venise est, de tous temps, interdite à tous navires étrangers en arme. Pizzamano envoie légitimement deux embarcations pour intimer l'ordre au commandant Laugier et à ses trente-trois membres d'équipage de faire immédiatement marche-arrière.
Et les versions de diverger.
Je vous livre la vénitienne...

D'après la défense vénitienne, Laugier, qui au préalable avait forcé Menego Lombardo, vieux pêcheur de Chioggia à monter à bord pour le piloter entre les écueils de la passe, refuse effrontément d'obtempérer. Pizzamano ordonne en guise d'avertissement deux bordées d'artillerie. Les deux vaisseaux qui suivaient le « Libérateur d'Italie » rebroussent chemin, tandis que Laugier s'empêtrant dans la flotte vénitienne commence à faire feu obligeant les vénitiens à riposter. L'équipage d'une galiote d'Esclavons harponnée par le vaisseau français donne à l'abordage.
Laugier et quatre de ses marins sont tués lors de l'assaut. Le reste de l'équipage dont huit blessés est fait prisonnier. Le pauvre Lombardo qui n'a pas eu l'occasion de se présenter mourra deux jours plus tard des suites de ses blessures. Le « Libérateur de l'Italie » est pillé et coulé. Cinq blessés sont à déploré du côté des vénitiens.

Quelque soit l'exactitude des versions, l'affaire Pizzamano est la goutte de trop, quelques jours seulement après les sanglantes Pâques véronaises.
« Vous et votre Sénat êtes dégoutant du sang des français ! »
Bonaparte exige l'arrestation immédiate de Pizzamano, celles des inquisiteurs d'Etats et la libération de tous les prisonniers politiques.

Il ne reste plus à l'antique République de Venise que 23 jours à vivre.

Conscient de la valeur de soldat de Pizzamano et à la requête de Sérurier, Bonaparte donne l'ordre, vers la fin octobre, de le libérer.

Pizzamano regarde une dernière fois les trois arches bosselées du fortin de la passe du Lido. Sa gondole glisse péniblement vers Venise. Une Venise qu'il ne reconnaitra pas.
Né à Corfou le 6 mars 1748, le dernier commandant vénitien du fort de Sant'Andrea s'éteint le 12 décembre 1817 des suites d'une longue maladie.

















dimanche 20 décembre 2009

Osteria della Cerva, corte della Cerva...


Permettez-moi ce petit capriccio...


Si je me souviens de l'Osteria della Cerva !?!
Tu te moques, l'ami !
C'était il y a pas si longtemps.
En 1740.

La pièce principale, large et peu profonde, restait fort sombre malgré les torchères et les chandelles de suif qui bavaient sur les tables en faisant capricieusement gambiller les grosses poutres en robinier.
Y vagabondaient nonchalamment d'énormes jambons dont les couennes épanchaient leurs larmes sans se soucier des clients. Un obsédant relent d'ail vous dardait les yeux, un fumet de poisson vous forçait les narines, agréablement ou pas selon les jours, selon l'humeur du patron, Guglielmo Berninza.

Le sior Berninza était partout à la fois.
En cuisine où il corrigeait l'assaisonnement du brouet et l'indolence de ses tournebroches.
Au comptoir où d'une main il coupait un peu trop le refosco et de l'autre tripotait le pétard de sa donzelle.
En salle où il virevoltait adroitement entre les bancs serrés.
Jusque dans la corte où d'un grand coup de savate il bannissait les quelques ivrognes trop causant avec la Marietta.

Marietta, sa bourgeoise dont la gorge généreuse épousait savamment le galbe des dames jeanne qui encombraient le bar, se contentait des additions.

Tous les jeudis soir, j'y retrouvais Salomé.
Les quelques fois où sous la table,
toujours la même, au fond à droite, près du comptoir,
ses genoux serraient étroitement les miens, je savais sa semaine féconde, je devinais enflammée la nuit à venir.

Est-il donc déjà si loin ce temps béni ?
Aujourd'hui, je tremble dans ce sinistre bivouac, au fin fond de cette glaciale Valsugana enneigée en guettant les velléités de l'autrichien.

Si je me souviens de l'Osteria della Cerva, l'ami ?

Je me demande si d'une main le Sior Berninza coupe toujours un peu trop le refosco et si de l'autre il tripote toujours le pétard de sa donzelle ?

samedi 19 décembre 2009

Byron ou trois vénitiennes années (1)


Si j'ai des amis à Venise, j'y possède également mes fantômes...
Byron en est un.
Je vous propose en plusieurs billets disparates de suivre le poète durant ses trois vénitiennes années, de découvrir ses amours, ses excentricités, ses travaux, les divers lieux qu'il hanta...



La haute société anglaise de l'époque avait peut-être les moeurs foncièrement dissipées, mais il existait des limites à ne pas franchir. Byron les viole allègrement. Après un mauvais divorce à l'amiable, le sixième Lord Byron prend le bateau pour Ostende, une grande partie de l'Angleterre à dos.


Nous sommes le 25 avril 1816.
Le poète a vingt-huit ans.
Il n'y remettra plus jamais les pieds.

Voici un soupir pour ceux qui m'aiment,
Un sourire pour ceux qui me haïssent;
Et, quel que soit le ciel au-dessus de ma tête,
Voici un coeur prêt pour tout destin.


Une imposante berline, reproduction de celle de Napoléon, le fait visiter la Belgique, descendre le Rhin et l'emmène en Suisse un mois jour pour jour après son départ. Il loue la villa Diodati qui dominent les rives du lac Léman. Il y accueille Shelley et son épouse Marie qui, une terrible nuit d'orage et sous des pluies torrentielles, y enfante du célèbre docteur Frankenstein.
Début octobre, il quitte la Suisse pour l'Italie.

Milan, le lac de Garde, Vérone...
Dans la nuit du 10 novembre 1816, flanqué de son fidèle serviteur Fletcher et de son ami John Carn Hobhouse, futur lord Broughton, il débarque à Venise et prend une chambre à l'hôtel Gran Bretagna (aujourd'hui le Westin Europa & Regina). Des ondées diluviennes noient la Sérénissime.
La République de Venise n'existe plus. Son gouverneur est autrichien.

« Venise me plaît autant que je m'y attendais, et j'attendais beaucoup.
La ville ne m'a pas désappointé... J'ai trop longtemps vécu parmi les ruines pour ne pas aimer la désolation.
J'ai l'intention de rester à Venise pendant l'hiver... »


Il y restera trois ans.


A suivre...


Hôtel Westin Europa & Regina




mercredi 16 décembre 2009

Pour moi, ce sera...deux Martini Dry. Et pour toi, chérie ?


C'était hier à l'heure de l'apéro.
Nous portions un toast à ma fille et à son boyfriend, un gars élancé de Guilford dans le Surrey.
Simulant l'exaspération, mon épouse leur rappelait nos apéros au Harry's Bar.
Il y a déjà plusieurs années que nous n'avons plus poussé les étroits et fermes battants de ce lieu mythique.
C'était immanquablement en hiver. Le scénario était invariablement le même.
Nous nous installions dans les confortables basses chaises aux larges bras cléments, de préférence juste derrière le tambour de verre et d'acajou qui nous protégeait du vent glacé attisé par les nouveaux arrivants.
Au garçon à la veste blanche et au noeud papillon d'ébène, je lançais :
« - Pour moi, ce sera ... deux Martini Dry. Et pour toi, chérie ?
- Oh non ! Pas deux d'un coup, tu me l'avais promis juré
! »

Le premier, je l'avalais cul sec. La balle d'argent me traversait le corps en un instant.
Je sirotais le deuxième.

Au Harry's Bar, le Martini Dry se nomme Montgomery en mémoire de la recette de Hemingway: quinze part de gin pour une part de vermouth sec.
L'écrivain américain raillait ainsi l'officier britannique qui, disait-il, ne portait l'assaut que si ses troupes étaient quinze fois supérieures à celles de l'ennemi.
Les proportions du Harry's sont plus sages: dix mesures de Gordon's pour une de Noilly Prat.
Le précieux philtre est givré, léchouillant les bords d'un petit gobelet trapu rehaussé du célèbre barman stylisé.

Précédant Salomé toujours irritée, je repoussais les étroits et fermes battants du lieu mythique.
Calle Valaresso, sombre et glacée.
Ce n'est que bien plus loin, sur le ponte qui défie San Moise, que Salomé me reprenait la taille.

Pour moi ce sera ... deux Martini Dry. Et pour toi, chérie ?



"...Garçon, ancora due Martini.
Il préféra ne pas demander deux Montgomery d'une voix qu'on aurait pu entendre, car à la table voisine, il y avait un couple très visiblement britannique.
L'homme aurait pu s'offenser..."
Au-delà du fleuve et sous les arbres – Ernest Hemingway






mardi 15 décembre 2009

Voudrais-tu un négatif de Venise sous la neige ?

A Venise, j'ai mes fantômes...
En voici un.
Frederick Rolfe, le baron Corvo.
Envoûtant !
Une série de billets pour vous le présenter...


Hôtel Belle-Vue et de Russie.
L’enseigne existe depuis 1858.
L’agence Thomas Cook au rez-de-chaussée.

"31 mars 1910, violente tempête de neige toute la journée.
Voudrais-tu un négatif de Venise sous la neige ?"
carte postale de Rolfe à Charles Masson Fox.

Inexplicablement repris par le patron de l'hôtel, Frederick Rolfe évite le pire...
Jugez plutôt...

En 1909, tenu par le signor Evaristo Barbieri, l'enseigne 'Belle-vue et de Russie' emmitouffle un excellent petit hôtel, bien situé face au palais Patriarcal, la Basilique San Marco, la Piazzetta et les colonnes de Théodore et Marc.
Frederick Rolfe y débarque en août 1908.
Ce voyageur surprend avec son grand panier à linge qui lui sert de valise, fermé par une barre et un cadenas, une grande et lourde croix d’argent sur la poitrine et des stylos à la taille trois fois plus grande que ceux que l’on trouve dans le commerce.
Le signor Barbieri aura beaucoup d’indulgence envers son hôte avant de le renvoyer une première fois le 14 avril 1909, confisquant tous ses biens pour régler une partie de la note.
Le même Barbieri le reprend d’une façon inexpliquée le 15 mars 1910.
Corvo loge d'abord dans l’annexe de l’hôtel qui n’est autre que la Tour de l’Horloge.
Ensuite, après un bref séjour à l’hôpital anglais où il reçoit l’extrême-onction, il bénéficie d’une petite chambre donnant sur la Merceria.
« J’habite un trou sombre, au rez-de-chaussée, dans une ruelle étroite où le soleil n’a jamais pénétré. Depuis juin, j’y ai déjà attrapé soixante et un rats ; je suis servi après les serviteurs et n’ai pas une âme à qui parler »
Corvo a cinquante ans.

Excédé, Barbieri l’expulse définitivement le 27 janvier 1911.

Aujourd’hui, le Belle-Vue n’existe plus.
A l’arrière du bâtiment, calle Larga San Marco, là où se trouvait l’entrée de l’hôtel, le 286 a pris le nom de Majestic, un hôtel...

















lundi 14 décembre 2009

L'atelier Orsoni, la bibliothèque des couleurs...

En écho au billet de Danielle...


Paris 1889... « La possibilité d’une impossibilité »...
L’Exposition Universelle est une triomphale exhibition et la tour de fer de l’ingénieur français Eiffel en est la diva incontestée. Est-ce donc le colosse aux pieds d’acier qui émeut à ce point Giandomenico Facchina et Angelo Orsoni ? Ou sont-ce les épiques soirées de Buffalo Bill et d’Annie Oakley ?
Peut-être bien, oui...
Mais je pencherais plus sûrement pour l’immense succès rencontré par les smalti de maître Angelo Orsoni.
L’année précédente, le célèbre mosaïste Giandomenico Facchina choisit de quitter Venise et son atelier pour s’installer en France. Il désire attirer également dans l’Hexagone son plus talentueux employé, Angelo Orsoni. Celui-ci, enfant de Murano, enivré depuis l’adolescence par les vapeurs étouffantes des fours à verre, ne peut se résoudre à quitter sa lagune natale.
- Soit ! Je te cède alors mon atelier ! décide Facchina.

L’Expo de Paris consacre les travaux d’Angelo et l’arrivée de l’Art Nouveau, style Liberty, lui confère une notoriété internationale.
Début du siècle Orsoni déménage ses ateliers au campo dei Vedei, fondamenta di Cannaregio là où, encore aujourd’hui, ronflent ses fours.
Quatre générations d’Orsoni vont y promouvoir l’éclatante tesselle à feuille d’or 24 carats et autres émaux aux tonalités insoupçonnées : en 1921 Giovanni succède à son père, Angelo en fait de même en 1935, Ruggero et Lucio en 1969.

Si depuis 2003 l’entreprise familiale, faute de descendance, est devenue une compagnie de Trend Group S.p.A, Lucio, président honoraire de la société, n’en continue pas moins à transmettre sa maîtrise de la mosaïque.













Pour la visite des ateliers, c'est par ici








dimanche 13 décembre 2009

Histoires cavalières...


Ces deux histoires cavalières se déroulent ' le long des sables de la mer ' au Lido.
Toutes deux sont de la plume de Arthur Schopenhauer.
Dates différentes. Dulcinées aussi.
Et c'est heureux, tant la similitude de ces deux promenades pourrait amener le lecteur à douter de leurs pertinences.
Le philosophe allemand était-il jaloux où simplement légèrement parano ?
A vous de juger...


Fin octobre 1818, le Lido.
« Nous nous promenions sur la plage du Lido, Alina et moi, lorsque nous entendîmes derrière nous le trot de deux chevaux. Nous nous écartâmes et lord Byron passa devant nous avec un ami. L'incroyable beauté de sa personne, le regard pénétrant et voluptueux qu'il lançat sur Alina, l'effet visible que ce regard eut sur ma jeune amie, me firent comprendre que la trahison était déjà potentiellement sûre! Le lendemain matin, je jugeai donc plus prudent de chercher refuge à Padoue. »
Quinze jours plutôt, l'ami de Byron, Shelley à 'l'incroyable beauté, au regard pénétrant et voluptueux ' avait confié sa petite Clara aux terres sablonneuses de ce même Lido.


Après avril 1819, toujours le Lido. Byron est seul. La dulcinée est autre.
« Goethe m'avais donné une lettre de recommandation pour Byron. Je devais la lui remettre à Venise. Comme je me promenais avec ma dulcinée, celle-ci s'écria, au comble de l'émotion: 'Ecco ! Il poeta inglese !' A ce moment-là, Byron passait à cheval, et la dame ne put, de toute la journée, oublier cette apparition. Je décidai alors de ne pas remettre à Byron cette lettre de Goethe, tant j'avais peur d'être cocu. »

Alors ?
A la place de Schopenhauer que faire ?
Eviter les poètes anglais ? Se détourner de tout cavalier ? Ou s'interdire toute errance sentimentale sur les plages du Lido ?










vendredi 11 décembre 2009

Pala Barbarigo

L'île de Murano mérite bien plus qu'un arrêt éclair sur la route de Torcello.Une série de petits billets pour vous en persuader...Voici un autre.



"Messire Agostino, vous faites tout pour précipiter ma mort afin de prendre ma place.
Mais si la terre vous connait aussi bien que je vous connais, elle se gardera de vous choisir !"


Jamais auparavant la controverse entre le doge et le procurateur de San Marco n'avait été aussi violente.
Jamais précédemment l'altercation entre les deux frères ne s'était montrée aussi impitoyable.
L'assemblée est tout silence, même si braver le chef de la République est notable, à fortiori si l'opposant est un parent.
Le doge Marco Barbarigo regagne ses appartements. Il n'a plus que quelques jours à vivre.


Malgré des rumeurs d'empoisonnement, en dépit des dernières paroles du doge, c'est bien Agostino, le frère cadet, qui va coiffer le camauro et le corno ducal.
Deux doges de la même famille qui se succèdent... Du jamais vu depuis quatre siècles.
La répulsion congénitale du peuple devant toute forme de monarchie ressurgit.
Agostino Barbarigo va tenter d'apaiser le ressentiment général tant bien que mal.
Ses quinze années de règne ne seront pas des plus heureuses.
Il s'en faudra de peu que les conclusions d'un long procès posthume ne défigurent son portrait dans la salle du Grand Conseil, à l'instar de l'infortuné Marino Falier.


La Pala Barbarigo est considérée comme son expiation après les funestes dissensions qui emportèrent son frère, rédemption confiée aux pinceaux de Giovanni Bellini.
L'artiste génial, qui signe et date résolument son oeuvre, agenouille l'intraitable et infatué doge au pied de la Vierge pleinement absente.
Saint Marc, d'un geste protecteur, sollicite de l'enfant Jésus l'absolution du Prince.
L'événement dominant est quelque peu décentré. Tout à droite, Saint Augustin, patron de Barbarigo, se tient devant un paysage où se dresse un arbre décharné, symbole de la mort et de la faute qui doit être réparée...









Le tableau orne dans un premier temps le palazzo Barbarigo.
Le testament de Agostino l'amène ensuite à Murano au couvent des Augustines de Santa Maria degli Angeli pour terminer sa course en la chiesa San Pietro martire.

jeudi 10 décembre 2009

Bon anniversaire petite Camille...



Votre fille a vingt ans, que le temps passe vite
Madame, hier encore elle était si petite
Et ses premiers tourments sont vos premières rides
Madame, et vos premiers soucis
On la trouvait jolie et voici qu'elle est belle
Pour un individu presque aussi jeune qu'elle
Un garçon qui ressemble à celui pour lequel
Madame, vous aviez embelli



Ces quelques mots partagés pour fêter les vingt ans, aujourd'hui, de ma fille Camille.
Camille qui nous manque énormément...
Après Rome, c'est Brighton qu'elle a choisi pour continuer ses études.
Deux ans déjà...

Joyeux anniversaire Camille !
Sois la plus heureuse...
N'arrête jamais de dévorer la vie...ce que tu fais déjà avec tant d'élégance.
Je t'aime Camille.



Voici quelques pastels vénitiens, fort peu artistiques, mais ô combien câlins à la mémoire...


2001: parc Savorgnan, sous les lustres du Danieli, au pied du campanile...






2002: la Piazza et les Maures...



2005: le Florian, en revenant de Burano...


2005: large sourire sur les Zattere...




2006: vers San servolo, grimace au Florian sous la pluie...




2007: au Metropole, dans l'Orient Express...





2008: à l'Aromi, chez Romano, la lagune...








mercredi 9 décembre 2009

Heureuse jeunesse...


En 1743, le fort de Sant'Andrea, passe du Lido, était entièrement entouré d'eau.


« Monsieur l'Abbé, je n'ai pas d'autre ordre que de vous tenir aux arrêts et de répondre de vous. »
Giacomo Casanova va fêter ses dix-huit ans, emprisonné au Fort de Sant 'Andrea. Et pourtant il résumera cette période ainsi: Heureuse jeunesse ! Je te regrette parce que tu m'offrais souvent du nouveau. Hélas la vieillesse ne m'offre que des choses connues.

« Souvent du nouveau », c'est une série de curieuses rencontres... Jugez plutôt.

Deux mille albanais résident au Fort. Leur colonel n'a qu'un oeil, une seule oreille et pas de mâchoire. Louant sa plume, Casanova se lie d'amitié avec cet homme au visage hideux exhalant une forte odeur d'ail.

Ses talents d'écrivain s'ébruitent dans la petite communauté de Sant'Andrea, et lui offrent, le jour de ses dix huit ans, un sulfureux cadeau d'anniversaire sous le galbe d'une belle Grecque qui le récompensera par trois fois dans la même journée.
"Mais hélas ! Je m'aperçus avec horreur que j'avais trouvé un serpent caché sous les fleurs."
La chtouille ! Un seul remède: l'abstinence au grand dam d'une Mme Vida, et des deux gentilles soeurs, Nanette et Marton venues lui rendre visite.

Un peu plus tard, simulant une foulure et une pénible colique, Giacomo profite de l'alibi et du bistre de la nuit pour rallier incognito Venise et rosser un certain Razzetta qui l'avait insulté quelques temps auparavant: nez cassé, trois dents en moins et une contusion au bras droit...
Vers la fin de sa peine, il fait la connaissance du comte de Bonafede...et de sa fille dont les seize printemps, la taille fine, la poitrine parfaitement formée et l'absence de jupon vont le mettre sur les épines.

Libéré, Giacomo Casanova quitte Venise pour Rome.


Heureuse jeunesse ! Je te regrette parce que tu m'offrais souvent du nouveau.








mardi 8 décembre 2009

Les eaux dormantes de l'Orfano...


Venise et l'Inquisition n'ont jamais fait bon ménage.
Et cela pour le soulagement d'un bon nombre d'individus.
Un bon nombre ?...Oui.
Pour le frère Bartolomeo Fonzio, prêcheur à San Geremia...Non !
Le voici, ce 4 août 1562, qui glisse dans les eaux saumâtres du canale degli Orfani...la pierre au cou.
"Le prêche trop libre! "
C'est ainsi que la discrétion des eaux dormantes de l'Orfano garrottait les indésirables de la République.

Il est une vérité: méfiez-vous des eaux dormantes.

Entre chien et loup, la demi après les cinq heures, ce 19 mars 1914,
le torpilleur 56 T harponne le vaporetto qui relie le Lido à San Zaccaria.
Le vaporino coule en un instant dans les eaux du Canale degli Orfani.
Malgré la célérité des secours, une petite vingtaine de passagers rejoignent le frère Bartolomeo...
Ainsi une mère, une fille.
Ainsi une épouse, un enfant.

Les eaux toujours dormantes de l'Orfano ont gravé un marbre à San Michele.
Passant, souviens-toi de Sarah et Janet Drake ...

Il est une vérité: méfiez-vous des eaux dormantes.

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