mercredi 24 mars 2010
L'affaire Tarnowska (3)
Frederick Rolfe est à bout de souffle lorsqu'il pénètre dans la vaste salle de la cour d'assises, deuxième étage des Fabbriche Nove.
Il est faible et amaigri.
Il tend son laisser-passer à l' huissier qui lui fait signe de le suivre.
« J'ai pu avoir une place réservée à la presse pour le procès de la comtesse Tarnowska. Incroyable ! » (carte postale du 15 avril 1910).
Difficilement, ils fendent un public dense trié sur le volet. Des dizaines de privilégiés dont une majorité de femmes se tiennent debouts, pressés étroitement, agitant voilettes, lorgnons et jumelles de théâtre.
Viennent ensuite les places assises.
Rolfe reconnaît Gabrielle Réjane et Emma Gramatica qui toutes deux rêvent secrètement d'endosser un jour le rôle de la Tarnowska. L'écrivain et poète Annie Vivanti qui écrira l'histoire de cette nouvelle Circé se tient à côté du peintre Degas en lice pour la neuvième Exposition Internationale d'Art.
Au premier rang, le duc des Abruzzes.
Passé les banquettes du public, Rolfe est dirigé vers le nichoir réservé à la Presse, tout à gauche au-dessus des jurés. Il s'installe aux côtés de madame Nicolle du Matin, considérée comme la meilleur des journalistes. Français, Russes, Américains, Italiens, c'est le procès de ce début de siècle.
En face, tout à l'opposé, le banc des accusés: Elise Perrier, Donat Prilukow, Nicolas Naumow et debout la comtesse Tarnowska entourée par quatre carabiniers aux larges et sévères moustaches.
Il se murmure qu'ils sont remplacés tous les jours pour éviter qu'ils ne succombent au regard émeraude de Maria la Vampire. Il se parle bas que les geôliers sont sous surveillance: ils auraient déjà comploté l'évasion de l'aristocrate slave si d'aventure elle est condamnée.
En contre-bas, entre les accusés et les jurés, se tenant de profil les quinze avocats de la défense dont l'efficace Francesco Vecchini, ont le regard tourné vers le fauteuil présidentiel qui surplombe la barre des témoins.
Deux cents cinquante déposants, neuf psychiatres et treize médecins s'y cramponneront aidés par le seul interprète, quand il le faut. Le procès se déroule en italien, les accusés ayant appris la langue durant leurs mois de préventive.
Au centre de l'arcade recouverte de bois, sous le crucifix et les mots 'La legge e eguale per tutti', une porte s'ouvre: maîtres Feder et Carnuletti, avocats des parties civiles, et le Commendatore Randi, avocat général, précèdent de peu le président de la Cour, le respectable Fusinato dont l'expérience présumée à repousser le pouvoir de séduction de l'insatiable et vorace comtesse russe a troublé la retraite.
A suivre...
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Salut Stef,
RépondreSupprimerchapeau bas pour le travail , les recherches , les infos , et l'originalité..
Ciao
Marco
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerOuppssss ! Erreur de manipulation !
RépondreSupprimerGrand merci Marco ! ;)
Toujours aussi passionnante cette chronique. Cette femme était donc si belle ? Alors qu'est-elle devenue ?
RépondreSupprimerMarisol
Quelle réputation on faisait à cette femme! Je brûle de connaître la suite de son histoire!
RépondreSupprimerAnne