lundi 22 février 2010

Une robe de mousseline blanche à cordelière bleue formait son costume de voyage...

Deux trois billets pour autant de flâneries entre les tombes de San Michele, l'occasion d'exhumer quelques personnages dont les noms ont été effacés de la pierre de toute mémoire.



Eduard Douwes Dekker, né à Amsterdam le 2 mars 1820, est considéré comme un anarchiste. Il crache une haine incommensurable sur le conformisme bourgeois, sur l'hypocrisie, sur le mariage et se proclame athé. Il est le premier Néerlandais à être incinéré (à Ghota) en 1887, chose encore inconcevable aux-Pays-Bas.
Sous le nom de MultatuliJ'ai beaucoup enduré » en latin), il signe son oeuvre majeur « Max Havelaar » un ouvrage anti-colonialiste, anti-esclavagiste écrit en un mois en 1859.

Max Havelaar est aujourd'hui le nom d'un label pour le commerce équitable.

Mais quel rapport avec Venise, me direz-vous ?

Sa première épouse, la baronne Everdine Huberta van Wijnbergen, qu'il appelle affectueusement Tine. Ils se marient le 10 avril 1846. Quelques temps après la naissance de leur deuxième enfant, il s'éloigne ne pouvant subvenir à leurs besoins. S'ensuit la longue correspondance de Tine avec Stéphanie Omboni une de ses anciennes élèves qui vit en Italie. Sans une plainte, toujours amoureuse de son génie, Tine commence une vie de dettes et de dénuement. Sans le sou, parfois sans le pain, souvent sans le feu.

Toute la journée a été très pénible pour moi... Oh ! la misère ! C’est affreux, et que
 faire ?

A chaque envoi d'argent, à chaque retour ou pli de son génie, elle rebondit.

Aujourd’hui, j’ai payé des notes qui me pesaient beaucoup. Je suis nerveuse, mais à présent de bonheur et de joie. Dekker m’écrit des lettres pleines d’amour ; il croit être sûr de 
triompher. Il est si heureux ! ...Oh ! tu le verras,
 il est un génie. Vraiment, il est adorable.

Maigre répit. Quand le repos nous viendra-t-il ? J’envie les 
morts. Quel doux repos !

Ensuite quelques mois de bonheur avec ses enfants près de son amie Stéphanie à Milan, à Padoue.
Un rien d'insouciance...Car Dekker lui demande de le rejoindre à Amsterdam pour partager le même toit avec sa enième maîtresse. Elle accepte. Et pour la première fois, l'amour s'étiole.

Je n’aurais pas dû quitter Milan. Povera me.

Elle retourne à Padoue et s'installe en 1873 à Venise. Elle est usée. Son amour s'est fané.

Sais-tu, je 
suis très contente que mon Edouard ne sera 
jamais un génie... les génies, je les plains de tout 
mon cœur… Je ne les crois pas 
heureux, ni pour eux-mêmes, ni pour les 
autres.

Elle avait juste besoin d'aimer.

Elle avait juste besoin d'être aimée.

Elle s'éteint le 13 septembre 1874 et repose à San Michele.





















3 commentaires:

  1. Merci,pour cet article .J'étais loin d'imaginer qu'il s'agissait d'un écrivain...bonne soirée

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  2. Merci pour cette belle évocation d'une femme sensible et dévouée. Elle aurait mérité une vie plus sereine. Quelle patience, chez ces femmes d'autrefois! On n'imagine pas une seconde supporter tout cela aujourd'hui.
    Anne

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  3. Anneso: je suis toujours surpris par les innombrables chemins qui me raménent à Venise, toutes ces 'traînées' vénitiennes...

    Anne: Dekker est un personnage hors du commun, qui s'est dressé contre l'injustice et l'hypocrisie. Il a sacrifié sa vie à ses idées révolutionnaires pour l'époque, sa vie et comme bien souvent dans ces cas là, l'existence de ses proches...

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