A San Michele, les racines tourmentées par le silence ténébreux des trépassés, un arbre s’est couché, troublant le repos d’un des leurs.
Victor Cunard.
Dès l’abord, j’ai su la perle immortalisée en cette cassette au couvercle minéral brisé. Quelques reflets lustrés pour vous tenter, un jour, de vous arrêter devant cette tombe du carré protestant de l’île cinéraire.
Victor Cunard est correspondant du London Times à Venise. C’est lui qui couche la nécrologie de son amie Dolly Wilde, la sulfureuse nièce du non moins sulfureux Oscar. Victor est aussi le cousin « bien aimé » de Nane, l’héritière de l’immense empire maritime Cunard.
Poétesse, Nancy Cunard est éditrice.
La Sérénissime encore. Elle publie les XXX Cantos de Pound.
La Sérénissime toujours. Septembre 1928, dans une chambre de la Riva dei Schiavoni, Aragon se gorge de barbituriques. Suicide d’opérette pour les uns. Sauvé de justesse pour les autres.
Nancy Cunard et Louis Aragon partagent une liaison tourmentée depuis deux ans. A Venise, ils endossent les rôles pathétiques des amants du Danieli. George Sand s’amourache du docteur Pagello, Nancy Cunard lâche son poète pour l’afro-américain Henry Crowder, alors pianiste de l’orchestre de jazz d’Eddie South, sous contrat huit semaines au Luna.
En 1960, la mort emporte brusquement Victor Cunard, tout occupé à libérer sa toujours chère cousine enfermée au sanatorium de Holloway. L’alcool, la drogue et autres errements destructeurs ont inexorablement mutilé la femme aux bracelets.
Si cet arbre a réveillé tes angoisses, Victor, sache ta tendre cousine sortie de l’enfer d’Holloway. Et lorsque ta Nane décide de quitter définitivement le bal tragique des morts-vivant , déguisée en petite chose insignifiante, garrottée aux fers d’un lit de la grande salle commune de l’hôpital Cochin, sois sûr, Victor, que c’est vers la rémission qu’elle s’en est allée.
« Je travaille à un poème contre toutes les guerres… A boire, du vin rouge… » ses dernières paroles.
Au Père-Lachaise, l’urne 9016 renfermerait les cendres de la poétesse à la coiffe des boys de l’Eton College.
Le hasard qui ceci dit n’existe pas à Venise a gravé les lettres CUNARD sur une autre stèle un rien plus loin…clic
Ce billet a émoustillé votre intérêt pour Nancy ? Rendez-vous sur le merveilleux blog d’Edmea…
« J’avais ma peine et ma valise
Et celle qui m’avait blessé
Etait-elle encore à Venise ?
Moi, j’étais déjà son passé. »
Personnage très original que Nancy Cunard, ses bracelets devaient "clinquitintinabuler" au moindre geste ! lol Aragon fera une tentative de suicide après leur rupture, mais sa rencontre avec Elsa à la Coupole, la même année, (1928) le consolera à jamais.
RépondreSupprimerMerci pour ce passionnant billet qui m'a fait découvrir cette femme un peu mieux que par son simple nom.
(Triste image d'un arbre couché sur une tombe...)
Belle semaine Stef.
Amicalement,
Nathanaëlle
Des flâneries dont on ne se lasse pas...
RépondreSupprimerBonne semaine.
Cothraige.
Consolé à jamais, je ne sais Nath et s'il est vrai qu'il rencontre Elsa un petit mois après sa tentative de suicide et que leurs noms deviendront indissociables, Aragon n'oubliera jamais Nancy. Elsa le sait bien, elle qui lui interdira de prononcer son nom en sa présence, elle qui ira jusqu'à l'empêcher de suivre le corbillard de l'anglaise ...
RépondreSupprimerBonne semaine, Nath ;))
Merci Cothraige et bonne semaine à vous ...
RépondreSupprimerLa tombe est-elle comme sur la photo ? éventrée et l'arbre foudroyé, il y a longtemps que je ne suis plus allée à S.Michele...
RépondreSupprimerJ'aime l'allure de Nancy avec tous ses bracelets, très artiste, années folles, elle avait un regard surprenant, et le look pas mal du tout !!!
bonne semaine à toi
Danielle
Merci pour ce portrait d'une femme de caractère qui a emporté avec elle son mystère mais dont la vie fait rêver. Venise n'a-t-elle pas le talent de rassembler les destins exceptionnels?
RépondreSupprimerAnne
Bonne semaine, Danielle!
RépondreSupprimerLa tombe éventrée? Ma photo date de l'hiver dernier...
Est-elle encore comme cela aujourd'hui ? J'espère que non...
Mais , comme Bashung, j'ai des doutes, et vous ?...
Anne , Venise est une passion...irréfléchie...comme toute passion.
RépondreSupprimerC'est fou, les correspondances, les corrélations!
Bonne semaine...
Le visage de Nancy avec ses yeux immenses et sa bouche fine est fort énigmatique et votre billet nous plonge avec délectation dans une Venise pleine de passions et de fortes personnalités.
RépondreSupprimerBonne semaine Stef.
Ses yeux, son regard... Tout juste Marisol!
RépondreSupprimerPablo Neruda encensait "ses charmants yeux bleu-ciel ..."
Bonne (fin de ) semaine ;))
Ah je ne savais pas l'attachement resté à Aragon pour Nancy Cunard, il est vrai que "l'Histoire", et la poésie d'Aragon, mettent un accent sur l'amour pour Elsa... Nancy Cunard n'était donc pas qu'une ombre du passé...
RépondreSupprimerMerci pour ce billet,
Belle soirée,
Nathanaëlle
Bonjour,
RépondreSupprimerJe suis journaliste et travaille pour RTL (la radio Française).
Nous préparons plusieurs émissions "RTL autour du monde" dont une sur Venise lundi prochain et sommes à la recherche d'expatriés qui seraient d'accord pour témoigner leur expérience pendant l'émission (par téléphone).
Je vous précise que l'interview ne dure que quelques minutes. Ce que nous souhaitons surtout c'est obtenir des témoignages des ressentis sur cette ville, les quartiers que les expatriés aiment fréquenter, en quoi la vie leur plait plus ici qu'en France...
Si vous êtes intéressé pour partager votre expérience avec nos auditeurs et notre équipe vous pouvez me contacter par email à cette adresse: marie.genet@ext-radio.fr ou 06.40.12.08.54
Je vous remercie vivement
Bien cordialement
Je ne suis malheureusement pas un expat vivant à Venise, Marie ...
RépondreSupprimerJe vous adresse un e-mail.
Bonne émission ce lundi !