Depuis peu, mon aventure professionnelle me conduit tous les mercredis à passer, seul, la nuit dans notre maison de campagne. Vencimont, petit village du namurois désaltéré par la Houille .
Un poisson fumé, un chèvre frais émaillé de sel de Guérande et un Minervois dont le producteur m’assure à chaque fois être sa meilleure cuvée forment les compagnons d’un soir.
Il y a deux semaines, j’ai réveillé le brûlot de la terrasse avec de vieilles et sèches bûches de sapin encore travaillées par mon beau-père couché depuis dix ans à quelques deux lieues, dans le petit cimetière perché de Wancennes . C’est ici, à Wancennes, à ses côtés, que mon corps désarticulé poussièrera son ultime voyage.
Le dernier Léonard Cohen couvrant le craquement du bois aux nageoires enflammées, j’ai ouvert le petit livre de
Alejo Carpentier :
Concert Baroque.
Le surprenant voyage musical que voilà !
Le Florian, San Michele, Sant’Angelo…
Monteverdi,
Vivaldi,
Scarlatti,
Händel,
Stravinsky,
Evan Parker,
Louis Armstrong...
Egrenant les heures sonnées par les Maures de la Tour de l’Horloge, vous accompagnerez en ce début XVIIIème, un richissime mexicain dans les calle vénitiennes. C’est le carnaval . Son déguisement en Montezuma ne laissera pas Vivaldi de marbre.
XVIII ème dites-vous ?
Et comment donc ce
casse-croûte sur la tombe de Stravinsky dans un cimetière qui n’existe pas encore ? Et comment ainsi cette réunion dans un
caffè Victoria Arduino qui n’existe pas encore ?
Laissez Horace, Dante, la Bible, Aristophane, Lucrèce, Shakespeare, Eschyle vous aider .
«
Il est nécessaire parfois de prendre ses distances , de mettre entre les choses et soi un océan, pour les voir de plus près . »
Le livre refermé, vomissaient encore les bûches de sapin travaillées par mon beau-père, couché depuis dix ans à quelques deux lieues, dans le petit cimetière perché de Wancennes…
Alejo Carpentier