Permettez-moi ce petit capriccio tout droit sorti de mon carnet de voyage, 19 mai 2009...Dix-neuf marches nous séparent.
Elle est là !
Bien au dessus de moi.
Assise.
Renversée à vrai dire.
Le bras gauche tendu vers le ciel, elle s'abandonne, ses longues jambes nues élancées vers l'avant. Une chevelure de charbon tirée soigneusement vers l'arrière. Des lèvres gourmandes. Des yeux de braise. Mais 'pristi ! Les jambes ! Des jambes qui n'en finissent pas de ne pas finir.
Je gravis lentement les marches tendues.
Vers elle le regard raide.
De lourds grillages ralentissent ma progression.
Dès mon entrée, la belle disparaît.
Il y a quelques années, lors de mon dernier passage dans cette
église-panthéon que
Scalfarotto proposa à la Sérénissime, c'était un dimanche. Il y avait une dizaine de fidèles et l'encens brouillassait à gros bouillons la rotondité de San Simeone Piccolo. Aujourd'hui, jour de semaine, je suis seul. La messe, l'unique en latin à Venise, touche à sa fin. Le prêtre dos à la non-assemblée est debout face au maître autel. A ses genoux, un servant, tour à tour cérémoniaire, porte- lumières, thuriféraire, porte-croix, porte-navette et céroféraire fixe le crucifix. Leurs labialises couvrent suffisamment mes pas et me permettent d'ignorer l'affichette de l'entrée:
accès seul pour la prière. A l'extérieur ces longues jambes nues qui n'en finissent pas de ne pas finir continuent de vanter les sacs et chaussures estampillés
Roccobarocco.
Dans deux jours, je lirai à la une de plusieurs gazettes la victoire des quelques paroissiens qui obtinrent finalement la délivrance du petit Simon de ce lucratif mais ô combien sexy carcan publicitaire.
C'est vite oublier qu'au début dix-huitième, pour récolter les fonds nécessaires à la reconstruction de l'église, le curé surnommé
Manera organisait chaque année une loterie ayant pour prix quatorze remises totales de peines temporelles, soit autant d'allers simples pour le Paradis sans passer par la case Purgatoire!
Entre escroquerie et sensualité, mon choix est vite fait...